BON et Bien, c’est le nom d’une gamme de soupes que l’enseigne E. Leclerc de Templeuve commercialise depuis 2015 avec succès. C’est aussi le fruit d’un partenariat entre l’industrie agroalimentaire McCain, des agriculteurs, des associations notamment les Banques Alimentaires… engagés ensemble dans la lutte contre le gaspillage alimentaire et la préservation de l’emploi local. Reportage.
Ils sont tous venus à Templeuve, centre commercial près de Lille, regarder cette vidéo dans laquelle Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix en 2006, surnommé « le banquier des pauvres » pour avoir lancé le premier programme de micro-crédit au Bangladesh, explique ce qu’il a fait pour sortir ses compatriotes de la misère : un système de social business qui répond à des enjeux de sociétés (créer de l’emploi), donne de la valeur ajoutée aux entreprises tout en créant des emplois et en préservant l’environnement. Bigre, cela pourrait-il marcher chez nous ?
La réponse est oui. Appliqué à nos latitudes dans une région touchée par la crise comme le Nord, cet exemple a incité le fabricant canadien de frites McCain – après avoir développé un premier social business avec Muhammad Yunus en Colombie –, le spécialiste en ressources humaines Randstad, l’enseigne de distribution E. Leclerc de Templeuve, les Banques Alimentaires, 1er réseau d’aide alimentaire en France, le Gappi, Groupement d’agriculteurs de pommes de terre pour l’industrie, à unir intelligemment leurs forces. Dans quel but ? Lutter contre le gaspillage alimentaire en utilisant les écarts de triage de légumes qui en raison de leur forme ingrate sont retirés de la vente. Aider par ailleurs la réinsertion professionnelle de chômeurs de longue durée employés pour la fabrication des soupes.
« Manger local, employer local »
Les 5 partenaires ont co-créé une unité de production de soupes juste à proximité du centre commercial du E. Leclerc de Templeuve. 5 employés y travaillent, 2 en CDI et 3 en CDD (SAS vers l’emploi durable) qui utilisent les légumes et les fruits écartés de la vente pour créer des soupes innovantes d’un goût inédit : la tomate y côtoie la fraise, le cumin vient assaisonner la carotte, un mélange qui ne déplait pas au chef cuisinier Clément Marot, autre poète de la gastronomie lilloise, venu vanter les mérites organoleptiques de ces nouveaux produits, dans les rayons du centre commercial. Conditionnées dans des bouteilles de verre, le prix indicatif de vente se situe autour de 3,5 euros/750 ml.
Le Gappi et McCain facilitent le lien avec les agriculteurs de la région, chez qui BON et Bien va collecter et acheter les légumes invendables, un volume qui peut atteindre jusqu’à 20% de la récolte pour les pommes de terre. Les Banques Alimentaires, conseillères éthiques, sont garantes de la mission sociale. Ces deux associations ont en effet voulu dès le départ participer à cette initiative. La coordination d’ensemble est assurée par l’entreprise McCain. L’agence Randstad assure leur formation et l’accompagnement dans leur difficile parcours de retour à l’emploi, en apportant son expertise de la gestion des ressources humaines.
« D’un bout à l’autre de cette chaîne, chacun dans cette aventure a un rôle à jouer dans sa sphère de compétence et dans ce qu’il peut apporter aux autres », souligne Dominique Lambert, de la Fédération française des Banques Alimentaires. La Direction régionale de l’agriculture et de l’alimentation (DRAAF) du Nord-Pas-de-Calais a soutenu le projet dès le démarrage de l’opération.
Qui aurait cru qu’en achetant une soupe, aussi bonne fût-elle, on pouvait non seulement créer des opportunités d’emplois pour des chômeurs de longue durée, mais également empêcher le gaspillage inutile de denrées alimentaires ?