Nathan Helo : « C’est notre cœur de métier de réfléchir à ce que l’on peut faire pour optimiser un produit »

Après Pierre Augé, Julien Allano ou encore Mauro Colagreco, c’est au tour de Nathan Helo de nous dévoiler quelques astuces pour optimiser les produits du quotidien. Si je ne connaissais pas personnellement le travail du chef, son attachée de presse Emilie m’a conseillée d’échanger avec lui pour la simple et bonne raison que l’anti-gaspi se manifeste dès le début du repas dans son restaurant Dupin, à Paris. « Je propose un siphon de peau de pomme de terre en amuse-bouche« , m’explique Nathan Helo.

« La démarche est toute bête et logique : je pars du constat assez répandu que tout ce qui nous entoure meurt doucement. Alors, à mon échelle, j’essaye de proposer de petites actions pour ralentir le processus et forcément, ça passe par la nourriture et la restauration. »

Ainsi, depuis l’ouverture de son restaurant, Nathan Helo se concentre sur l’optimisation des produits pour permettre « moins de pertes végétales ou animales » tout en avouant que le zéro déchet lui semble quasi impossible.

Cette démarche, plus que louable, n’est pas sans contrainte selon le chef. « Sur toutes les cartes que l’on met en place – elle change environ tous les mois ou 2 mois – on se calque sur la saison, le local… Ça demande un énorme travail de sourcing. Ça prend du temps mais c’est l’opportunité de rencontrer les gens et d’avoir un vrai échange. Aussi, ces conditions imposent de bien choisir sa brigade et de s’entourer de personnes qui comprennent, relaient le message et sont capables de s’investir… Tout cela est plus compliqué que dans un restaurant où l’on commande des pièces de viande pré-découpées ou des filets de poisson déjà levés. »

Concrètement ça veut dire quoi ? « Prenons l’exemple de notre best seller, la langoustine » , suggère Nathan Helo. « On sert la queue de la langoustine avec un crémeux réalisé avec l’intérieur de la tête, puis on concasse la carcasse pour préparer un bouillon très concentré. Cette langoustine est accompagnée de champignons qui poussent tout près, dans le 16e arrondissement de Paris, là aussi dans une démarche zéro gaspi : au resto, on utilise du café torréfié à Montreuil ; on garde ce marc de café et le producteur de champignon le récupère et s’en sert pour faire pousser des pleurotes. C’est un cercle vertueux« , se réjouit le jeune chef.

Même démarche pour la noix de St-Jacques : « Avant la fermeture pour confinement, on proposait des St-Jacques à la carte. On les recevait entières bien sûr. On mettait quelques noix snackées dans l’assiette, on réalisait une sauce avec les barbes bien nettoyées et revenues avec quelques légumes, et on faisait poêler ou sécher le corail pour en faire une poudre. On servait ça avec du butternut servi en trois façons : des petites billes blanchies et croquantes, les chutes étaient juste cuites au four dans du papier alu avec un peu de sel et de poivre puis mixées, ce qui apportait un petit goût de noisette au plat. On récupérait aussi les graines qu’on faisait souffler à la poêle avec un peu de matière grasse pour apporter de la texture. »

Le jeune chef nous raconte également qu’avec les tiges d’herbes fraîches, il réalise des poudres pour renforcer le goût d’un assaisonnement. « On le fait aussi avec les chutes de purées de carottes ou de betteraves. Ça apporte de la couleur et du goût. »

Enfin, comme tous les restaurateurs, Nathan Helo a beaucoup de pertes de pain dans son établissement. « On le réutilise sous différents aspects. Par exemple on a déjà réalisé une crème anglaise infusée au pain, on a aussi fait de la glace… Avant la fermeture, on proposait des suprêmes de pigeon et une farce réalisée avec le foie, le cœur, les cuisses, des blancs d’œufs et de la crème, le tout mixé puis roulé dans la chapelure de pain pour faire comme un cromesquis. C’est un nuggets de luxe », s’amuse-t-il.

Si tout cela pourrait passer pour une énorme prise de tête pour certains, cette démarche est logique pour Nathan Helo : « C’est notre cœur de métier de réfléchir à ce que l’on peut faire pour optimiser un produit. C’est un gain d’argent, ça développe la créativité mais bien sûr, il faut toujours un intérêt gustatif. »

Crédit portrait : Pierre Lucet Penato

Crédit photo : @letourdesterroirs

Découvrez la recette du siphon de peau de pomme de terre de Nathan Helo.